Article posté par +bounmovie.
Paru le jeudi 4 octobre 2007 à 15:52
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COMPTE-RENDU DU FESTIVAL
LE WEEK END DE LA PEUR
Premier festival du film fantastique de la Côte d’Azur, le « Week-end de la peur » s’est tenu du 23 au 26 août à Montauroux (Var). Une programmation plutôt culottée, très ouvertement tournée par les Etats-Unis, ce qui a d’ailleurs posé un gros problème puisque les films, annoncés en VOSTF, n’ont finalement pu être montrés qu’en version originale. Pour les spectateurs, dont certains étaient venus de loin, cela fut difficile à digérer, mais quand on a réservé ses quatre jours spécialement pour le festival, pas d’autre choix que de rester et de faire avec. Petit compte-rendu non exhaustif.
Nuit lubrique
Après la projection en ouverture de l’idéal
A l’intérieur (Julien Maury et notre ami Bustillo), les organisateurs ont eu la riche idée d’inaugurer le festival par une nuit blanche baptisée « Censured », censée projeter des films interdits au moins de 18 ans alors que seul
The XXXorcist, remake porno-crado du classique de William Friedkin méritait ce « label ». Quelle sinistre farce d’ailleurs que ce truc-là, dû au pornographe américain Doug Sakmann (auteur d’un certain
Re-Penetrator avec sa hardeuse fétiche Joanna Angel, et surtout du délire foutraque
Punk Rock Holocaust), qui mélange allègrement sperme et vomi verdâtre dans une longue séquence pornographique de 40 minutes. La fille est-elle belle, au moins ? Bah non, puisqu’elle est maquillée comme Linda Blair dans l’œuvre originelle, ce qui rend la vision de cette gamine scarifiée culbutée par un prêtre « sexorciste » plutôt pénible. Auparavant, la tension est montée crescendo, avec pour commencer
Werewolf in a women’s prison (Jeff Leroy) qui, comme son titre l’indique, conte le carnage commis par un loup-garou dans une prison pour femmes. Comment en arrive-t-on là ? Une belle donzelle, qui fait du camping sauvage avec son mec, est mordue par une bestiole féroce ressemblant à un loup-garou (combinaison poilue et yeux rouges électroniques sont de rigueur). Accusée du meurtre de son cher et tendre mis en pièces par la bête, elle est enfermée dans le pénitencier d’une république bananière, tenu par des militaires en rut. La nuit venue, elle se transforme en loup-garou, décimant l’intégralité du casting féminin, qui ne voit pas arriver le danger, trop occupé à se léchouiller les nibards. Entre scènes lesbiennes et démembrements artisanaux, c’est la grande rigolade. Pour ceux qui en ont l’eau à la bouche, la chose est disponible en DVD zone 1 chez
Under The Bed Films.
On a beaucoup parlé de
Snuff Films, moi, perso, j’ai moyennement accroché. Réalisé pendant 18 après-midi et pour un budget riquiqui de 900 euros par l’Avignonnais Nicolas Bressier, cet audacieux long-métrage amateur s’emploie à décrire le calvaire de deux malheureuses poursuivies par trois vilains masqués qui veulent filmer leur agonie. Faute de moyens, le film s’autorise peu d’effets spéciaux et mise tout sur le suspense, créé par un montage serré plutôt habile et une interprétation étonnamment juste. Hélas, le scénario tourne un peu en rond et l’image DV en noir et blanc rend pénible la vision de scènes surtout tournées dans l’obscurité. La volonté de Nicolas Bressier était de
« faire un film de genre qui tienne la route avec un budget restreint (…), ce à quoi le thème du snuff movie se prêtait bien », et il convient néanmoins d’admettre que le résultat force le respect. Le public ne s’y est pas trompé en lui décernant le prix « Censured », un encouragement de plus pour cet employé municipal influencé par les films d’action des années 80, comme le
Cyborg d’Albert Pyun auquel il semble vouer un culte.
Enfin, en préambule du porno,
Pervert, qui jouissait déjà d’une certaine réputation outre-Atlantique, a rappelé quelques bons souvenirs aux nostalgiques de Russ Meyer. Jonathan Yudis livre une imitation quasi-parfaite de l’œuvre mammaire de son mentor. Des petites couettes de la charnue Mary Carey rappelant celles de Shari Eubank dans
Supervixens au
redneck bedonnant arborant une croix gammée sur le torse (référence au Hitler de pacotille bouffé par son poisson rouge dans
Mégavixens), rien n’est oublié. Ni bien sûr le cadre campagnard essentiel à toute intrigue « russmeyerienne », en l’occurrence une ferme où vivent un père et son fils simplet, théâtre d’un massacre de jeunes femmes généreusement pourvues. A moins d’être un anglophone endurci, l’absence de sous-titres ne nous a hélas pas permis de saisir toute la subtilité de dialogues délicieusement décalés.
Zombie Prom, ou quand la bluette terrasse l’horreur
Inattendu. Le coup de cœur du festival n’est pas un film d’horreur, ne présente pas la moindre goutte de sang, ni de « fuck », ni quoi que ce soit de déviant. Ça s’appelle
Zombie Prom et il faut ABSOLUMENT qu’un distributeur avisé l’édite en DVD ! Dans un format court de 50 minutes, le réalisateur Vince Marcello,
« mentored by Wes Craven » comme l’indique le générique, signe une parodie irrésistible de
Grease (comme en son temps John Waters et son
Cry-Baby), racontée sur le mode de la bande dessinée (montage alternant vignettes de BD et séquences filmées). Désespéré d’être repoussé par sa dulcinée, un idiot se jette dans une cuve d’acide et revient sous forme de zombi au teint couleur purée d’avocat. Reconstitution appliquée des années rock’n’roll, chorégraphies et chansons noyées dans le rétro caramélisé, interprétation caricaturale d’où émerge le chanteur travesti RuPaul en directrice de lycée,
Zombie Prom est l’exemple idéal du film réalisé avec sérieux mais qui ne se prend pas au sérieux ! Prix du meilleur réalisateur (
ex aequo avec Bustillo et Maury).
Surprises côté court
La sélection des courts-métrages, dont je n’ai eu qu’un très bref aperçu, a réservé d’excellentes surprises, au premier rang desquelles figure
Bloody Current Exchange du jeune nancéien Romain Basset, qui se paye le luxe du massif Philippe Nahon comme tête d’affiche. Ce dernier incarne un aristo qui, une nuit, attend la visite d'une étrange jeune femme pour un rendez-vous charnel très spécial... Le commentaire qui suit reprend (presque) mot pour mot ce que j’ai déjà dit à Romain, mais autant que tout le monde le sache. Son film présente une vraie qualité esthétique. Le travail sur la photo dans la chambre est tout a fait remarquable, la couleur du sang évoque le
giallo, magnifiée par une image chaude et pure, qu'une mise en scène astucieusement statique (pas d'effets de caméra grandiloquents) permet de goûter durablement. La présence massive du génial Nahon obstrue certes souvent l'espace filmique, mais elle donne corps à un scénario qui ne tient pas à grand chose, sinon à une relecture intéressante du mythe de la Belle et la Bête, qui ici ne sont pas forcément ceux que l'on croit : la tueuse d'hommes face au vampire, l'échange de fluides sanglants (traduction littérale du titre) qui s'opère entre eux. L'épilogue est des plus inattendus, et j'ai remarqué (disons que c'est une sensibilité particulière de ma part) le recours à un élément sans qui le cinéma de genre serait peu de chose : le journal, cet intermédiaire anonyme entre le tueur et sa victime. Il est fort probable que Romain Basset refasse bientôt parler de lui (d’ailleurs, selon des sources proches du dossier, son court devrait figurer en supplément sur le DVD de
Pervert, prochainement vendu avec
Mad Movies), tout autant que son comparse Pierre Guillaume dont le fort sympathique
Fusible n’a laissé personne indifférent. Ce « huis clos culinaire », selon les propres termes du réalisateur, distille une atmosphère onctueusement poisseuse autour de trois personnages. Dans un bel appartement rustique, l’hôte (Guillaume lui-même, gueule carrée à la Charles Napier) est pris en grippe par l’un des convives, véritable parasite jamais à court de remarques cassantes (excellente partition de l’acteur Michel Reynald). Exaspéré, le maître des lieux profite de l’absence du troisième larron pour séquestrer et torturer l’indésirable. Le film perd à ce moment-là beaucoup de son essence trouble. Caméra qui tourbillonne autour du malheureux attaché dans un sous-sol mal famé, interprétation cabotine, l’académisme soudain déployé est hélas assez malvenu. Par chance, l’épilogue inattendu remet les pendules à l’heure.
Gérard Varchetta