ASPECTS DU CINEMA D'HORREUR QUEBECOIS
Gros plan sur quelques films bien frappés en provenance de nos amis du Québec
SUR LE SEUIL (EVIL WORDS) d'Eric Tessier (2003), avec Michel Côté, Patrick Huard, Catherine Florent, Albert Millaire
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Présenté au festival de Gérardmer 2003,
Sur le seuil y avait reçu un accueil public favorable. Pas suffisant toutefois pour décrocher un prix, ni même trouver de distributeur français. Une nouvelle preuve du peu d’intérêt suscité par le festival vosgien, qui peine depuis quelques années (en fait, depuis qu’il a remplacé Avoriaz) à proposer des sélections de qualité et à attirer l’attention des médias sur les quelques perles qui, de temps à autres, en émanent.
Sur le seuil est donc victime d’une terrible injustice, à l’image d’un cinoche québécois qui, pour d’obscures raisons (la barrière de la langue, peut-être ?), reste mal promu chez nous. L’été dernier encore, le public de la Nouvelle-France faisait un triomphe à la sympathique comédie policière
Bon Cop, Bad Cop (avec Colm Feore et Patrick Huard, également dans le film qui nous intéresse), où deux flics qui ne se comprennent pas, l’un anglophone, l’autre francophone, doivent composer ensemble sur une même affaire. En a-t-on entendu parler par ici ? Non, pas une ligne, nulle part. Tout ça pour dire qu’il serait peut-être temps de s’intéresser vraiment à ce qui se passe chez nos cousins nord-américains, et pas seulement aux comédies intellectuelles d’un Denys Arcand. Pour en revenir à cet
Evil Words, l’intrigue tient d’abord du pur thriller : une série de faits-divers ensanglante Montréal, alors qu’au même moment un écrivain célèbre, Thomas Roy, se sectionne volontairement les doigts. Quel rapport entre les affaires ? Il se trouve que les faits survenus ont déjà été relatés au détail près dans les bouquins de Roy. Coïncidences ? Oh que non. Un psychiatre incrédule (l’excellent Michel Côté) l’apprendra à ses dépends en fouillant petit à petit le passé de l’écrivain, ce qui le mènera à Mont-Mathieu, bourgade tranquille où eurent lieu, plusieurs années auparavant, des évènements terrifiants. Le fantastique prend alors le pas sur le thriller. Pour comprendre la clé du mystère, le rationnel psychiatre oublie sa médecine et doit œuvrer avec la religion, car il y a une sombre histoire de satanisme là-dessous. Eric Tessier, après avoir pris tout son temps pour installer une atmosphère oppressante, déploie à ce tournant du film une vraie habileté dans la mise en scène des évènements antérieurs. Réminiscence sanglante d’une messe noire dans l’église communale, où les adeptes d’un curé défroqué se mutilent et s’éventrent à l’unisson, dans un enchevêtrement de cris effroyables. Belle mise en appétit avant un épilogue encore plus radical où Satan, dissimulé dans son enveloppe charnelle, transforme un hôpital en abattoir : un malheureux se triture les boyaux, un flic dézingue sauvagement son collègue, une femme accouche dans la douleur (et une césarienne, une !). Non, franchement,
Sur le seuil offre vraiment de quoi sustenter son homme. Si le film est introuvable sous nos latitudes, inutile toutefois de traverser l’Atlantique pour se procurer le DVD. Un petit tour sur
Amazon.ca, et le tour est joué.
SLASHERS de Maurice Devereaux (2001) avec Sarah Joslyn Crowder, Tony Curtis Blondell, Kieran Keller, Jerry Sprio

Un petit film d’horreur dont on a beaucoup entendu parler, réalisé par Maurice Devereaux, dont l’opportunisme fut un temps défendu dans les pages de
Mad Movies. A ce sujet, je me souviens que le magazine, à propos de la sortie en VHS de son film précédent
Lady of the Lake, avait parlé de Devereaux comme d’un « Français expatrié aux Etats-Unis », ce que ce dernier avait immédiatement démenti par courrier. Devereaux est donc québécois, plus aucun doute là-dessus. Détournement gore et fendard de notre si détestable télé-réalité,
Slashers (tourné en anglais, précision importante) allie le discours militant à la série B qui tache, justifiant ainsi pleinement l’emploi du terme « slasher », souvent galvaudé à force de rentrer dans le langage courant. Rappelons en effet que le verbe « to slash » signifie au sens premier « taillader » ou « donner un coup de couteau ». Mais le
Petit Larousse English-French nous apprend que « to slash » peut aussi signifier « critiquer violemment ». Voilà donc les deux aspects du film : d’un côté, un bon petit « slasher » bien tordu, où les six concurrents d’un jeu télévisé très particulier doivent, pour empocher le gros lot, survivre aux assauts de trois fous meurtriers, dans un décor digne d’un parc d’attraction. De l’autre, une critique aussi acerbe que caricaturale des dérives de la télé-réalité. Riez, riez, mais vous verrez qu’on finira par y arriver. Souvenez-vous de
La Ferme et du cadavre ambulant de Danièle Gilbert qui défèque dans le jardin ! On venait déjà de franchir un pas, là… Bref, premier bon point du film : la personnalité des tueurs. Nous avons là Chainsaw Charlie, un
redneck en salopette que l’on croirait tout droit sorti du village de
2001 Maniacs, Preacherman, prédicateur à la voix d’outre-tombe rappelant vaguement le catcheur Undertaker (pourquoi cette comparaison ? je ne sais pas, ça m’est venu comme ça…), qui souhaite purifier les jeunes gens du vice qui les habite, et enfin le pire de tous, Dr. Ripper, sadique jusqu’au-boutiste qui déchiquette la chair tendre à l’aide de cisailles rouillées. Jamais à court de répliques fumantes, leurs apparitions sont un régal. Second bon point : le fait d’avoir déplacer le concept du jeu au Japon, où la télé, on le sait, atteint des degrés de débilité à faire pâlir de honte Charles Villeneuve. Une fois le décor planté et les personnages présentés, place au carnage. Perdue en terre nipponne, la viande américaine, prête à tout pour du pognon, est alors livrée au regard de téléspectateurs pervers. Comble de l’ironie : l’un des concurrents est brutalement rappelé à l’ordre par la présentatrice (sourire
Freedent, niaiserie « danielalumbrosoesque ») pour avoir violenté le caméraman. Car s’il y en a un qu’il ne faut surtout pas tuer, c’est bien lui…[/justify]
Gérard Varchetta